LA pénétration d’Israël en Afrique 1partie
Le Mossad a espionner la Libye au profil Etats sub- saharien
LES années 80 ont vu la reprise des relations diplomatiques
Entre Israël et certains pays africains : le Zaïre en mai 1982,
le Liberia en août 1983, la Côte-d’Ivoire en février 1980 et
le Cameroun en août de la même année, et le Togo en juin 1987.
Ce mouvement ouvre une nouvelle page des inconstantes relations
Israélo-africaines. Elle signe, dans le même mouvement, la fin de
ce pas de deux politique arabo-africain qui a été l’un des proces-
sus diplomatiques majeurs des années 70 en Afrique subsaharienne.
Le processus israélien, au coup par coup, rend en cause ce ver-
rouillage de la politique proche-orientale des Etats africains, réa-
lisé par les pays arabes à leur profit depuis la guerre d’octobre 1973,
dans l’atmosphère enfiévrée et inquiète du premier (( choc pétro-
lier. A propos de ce verrouillage, qui se voulait définitif mais qui
aura duré presque dix ans, deux réserves doivent être faites cepen-
dant. Tout d’abord, il n’a pas été complet puisque, dès le départ,
trois pays africains (le Malawi, le Lesotho et le Swaziland) n’avaient
pas, à l’époque, rompu avec Jérusalem ; ensuite, il n’a manifeste-
ment pas été étanche puisque au cours de ce qu’on a appelé la
décennie arabe en Afrique subsaharienne, s’est maintenue, et sou-
vent développée une présence multiforme économique et politique
d’Israël sur le continent, dans une sorte de dynamique de la conti-
nuité informelle qui à l’évidence, constitue un aspect significatif,
mais non déterminant, du processus politique actuel
Parmi les questions que suscite ce processus de retour de l’État
hébreu sur la scène diplomatique subsaharienne, deux apparaissent
majeures : celle, centrale, qui sera examinée ici, des dynamiques
politiques qui le déterminent, le circonscrivent et lui donnent cette
configuration particulière, et celle des motivations et finalités
de ce retour, qui se fait alors même que plusieurs raisons mili-
taient à Jérusalem en faveur du statu quo.
Ce processus semble résulter en fait de l’affrontement incertain
de deux dynamiques politiques qui sont toutes les deux soit liées
aux évolutions et aux mutations sociopolitiques et économiques de
l’espace africain lui-même, soit liées aux interactions de ce dernier
avec son environnement international.
‘On peut isoler une première dynamique induite par des fac-
teurs qu’on pourrait appeler des facteurs de perméabilité et de sen-
sibilité de l’Afrique subsaharienne à l’action israélienne. Ces fac-
teurs ne se limitent pas - on le yerra - aux conséquences du pro-
cessus de paix entre Israël et l’Egypte, à celles de la crise et du
déclin de la coopération arabo-africaine, ni à l’effondrement, con-
sécutif au marasme du marché pétrolier, des ressources d’action -
financière notamment - des pays arabes. Une approche plus affi-
née montre en effet qu’au-delà d’une interprétation fort répandue
en termes de réactions africaines aux tares et avatars de la coopé-
ration arabo-africaine, la reprise des relations diplomatiques avec
Israël constitue pour tous les pays - ou presque - qui ont renoué
à ce jour, un volet à la fois conjoncturel et structurel d’une straté-
gie d’acquisition ou d’élargissement de ressources politiques au
niveau international, pour porter ou tenter de porter solution à des
problèmes d’ordre essentiellement interne.
La deuxième dynamique, antagoniste de la première, est, quant
à elle, due à des facteurs qu’on pourrait appeler de résistance à
l’action israélienne ou d’inhibition face à la question de la reprise
ou non des relations diplomatiques avec Israël.
En fait, qu’elles favorisent le processus de retour israélien ou
qu’elles développent des butoirs, les deux dynamiques partagent une
caractéristique commune : la problématique de la reprise des rela-
tions diplomatiques avec Israël, contrairement à celle des rupturés
de 1972-1973, se définit essentiellement en termes de contingences
internes propres à chaque pays africain, et par conséquent ne relève
que marginalement des grands thèmes politiques des rapports
arabo-africains.
L’exacerbation des problèmes économiques d’une part, et la
croissance des préoccupations sécuritaires d’autre part, constituent
les dew évolutions majeures du continent ayant créé les conditions
d’une certaine sensibilité des pays africains à l’offensive diplomati-
que israélienne. Dans le domaine des questions de sécurité interne
ou externe, Israël est perçu comme un recours crédible. La situa-
tion économique africaine, marquée par l’impact des chocs pétro-
liers, la chute des prix de certaines matières premières, la séche-
resse, la crise alimentaire, mais surtout la croissance de l’endette-
ment et l’accroissement des interventions - souvent vigoureuses -
et du r6le des organismes financiers internationaux (Fonds moné-
taire international, Banque mondiale), appelle des stratggies étati-
ques de survie et de parade. Et c’est dans ce cadre que 1’Etat hébreu
jouit d’une triple perception qui se révèle favorable à son retour
politique.
Stratégies étatiques de survie
et perceptions de l’Etat hébreu
Dans un contexte où le thème de l’autosuffkance alimentaire
est devenu central, de nombreux dirigeants politiques africains, con-
vertis à un nouveau pragmatisme économique au nom de la survie
économique, si ce n’est politique, n’ont pas oublié, semble-t-il, les
capacités d’assistance qu’avait démontrées Israël dans les années 60.
La réputation, quasi mystique, de l’assistance technique israélienne
dans le domaine agricole est ici d’autant plus fonctionnelle que la
mémoire collective associe volontiers Israël aux années 60, années
d’espoir et de volontarisme par excellence. L’argumentaire des par-
tisans nigérians de la reprise des relations politiques avec Israël,
parmi lesquels figurent d’anciens responsables politiques nigérians
des années 60, souligne bien cette vision des choses :
Ce n’est pas seulement parce I’ Egypte d’autres pays l’ont
fait que nous désirons rétablir des relations diplomatiques s avec
Israël. Bien au contraire, il y a de bonnes raisons, sur le plan
Technologique ou agricole, de penser qu’il y va de notre propre
intérêt d’en arriver la, car cela pourrait constituer l’un des moyens
de sortir de notre crise économique et alimentaire).
C’est d‘ailleurs parce que cette sensibilité existe qu’elle est exploi-
tée par la communication politique israélienne qui met l’accent sur
ce qu’Israël peut apporter dans ce domaine devenu critique en Afri-
que. Cependant, o? peut estimer à .juste titre que cette première
représentation de 1’Etat hébreu comme détenteur de certaines tech-
nologies et d’un savoir-faire pouvant aider à résoudre des problè-
mes économiques internes n’est pas la plus fonctionnelle du nou-
veau réalisme pro-israélien, dans la mesure .où ces technologies peu-
vent s’acquérir indépendamment du recours à Israël.
En revanche, le contexte africain de survalorisation - rareté
oblige - des ressources financières en provenance de l’étranger
donne une image autrement plut décisive et plus favorable à un
rapprochement politique avec 1’Etat hébreu. C’est la perception
d’Israël comme relais, guide ou appui, à l’heure où, par nécessité
impérieuse, une partie de plus en plus importante de l’Afrique se
tourne vers Washington comme bailleur de fonds d’importance et
aussi comme capitale d’un pays jouissant d’une influence certaine
dans les organismes financiers internationaux.
C’est à ce titre que l’on peut parler d’une véritable stratégie
de la carte israélienne. Celle-ci repose sur l’image d’un pays consi-
déré comme l’allié par excellence des Etats-Unis et surtout - on
le croit - disposant d’importants leviers d’action sur le terrain amé-
ricain. Un haut fonctionnaire du ministère israélien des Affaires
étrangères l’exprime bien :
(( Les structures politiques, les institutions et les centres de décision
des anciennes puissances coloniales, France, Grande-Bretagne, sont plus
familiers aux dirigeants africains. Ils savent depuis longtemps à quelle
porte frapper à Paris ou à Londres. Au moment où ils tentent de sol-
liciter une aide bilatérale plus importante ou une intercession des Etats-
Unis en leur faveur auprès du FMI et de la Banque mondiale, ils
se sentent quelque peu perdus dans la capitale américaine. C’est pour
cela que ceux qui ont renoué avec nous et d’autres qui ne l’ont pas
fait se tournent vers nous pour nous demander de les aider ...
Très lucide cependant, il ajoute :
(( Parfois, nous pouvons faire quelque chose, nous l’avons fait pour
I’Ethiopie pour favoriser un rapprochement avec l’administration amé-
ricaine, pour faire accroître l’aide alimentaire à ce pays, mais les res-
ponsables africains surestiment souvent nos capacités dans ce domai-
ne
On ajoutera enfin une troisième perception dont l’influence n’est
pas négligeable dans le nouveau réalisme pro-israélien. C’est celle
d’Israël comme relais pour accéder au cercle des investisseurs étran-
gers qui, pour des raisons évidentes, désertent l’Afrique. Le fait
que certain: de ces investisseurs appartiennent aux communautés
juives aux Etats-Unis ou en Europe est à la base de cette dernière
Représentation.
A travers ces différentes images, apparaît une partie des res-
sources politiques sur lesquelles ou avec lesquelles Israël joue son
offensive diplomatique en Afrique. On peut constater que si elles
sont adaptées, elles ne sont pas toujours fonctionnelles et sont de
toute façon limitées. On comprend ainsi pourquoi le choix qui
s’impose de plus’ en plus au c( Bureau Afrique )) du ministère israé-
lien des Affaires étrangères est celui d’une action diplomatique sélec-
tive et d’une concentration des ressources sur un nombre réduit
de cibles africaines importantes au regard des objectifs poursuivis
(économiques, géopolitiques, stratégiques). Ce qui ne semble pas
exclure des contacts tout azimut et le ({ rétablissement du dialogue ))
avec un nombre important de pays africains .
source/.politique-africain