rapport « confidentiel défense » déshabille la France nucléaire
Essais missiles et armes chimiques DANS
Le site de Colomb-Béchar
Dans cet essai, Patrice Bouveret, directeur du centre d’expertise indépendant l'Observatoire
des armements, revient sur les essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien
entre 1960 et 1966, ainsi que sur leurs conséquences sanitaires désastreuses dont l'ampleur
reste encore à déterminer. Il interroge notamment l'effet de la Raison d'Etat sur les
possibilités de reconnaissance et d'indemnisations des victimes des expérimentations et du
développement de la force de la force de dissuasion française.
Patrice Bouveret, Observatoire des armements
« Hourra pour la France ! », s’exclama le général de Gaulle lorsque, le 13 février 1960, explosa en
plein cœur du Sahara, la première bombe atomique française. Au final, la France a fait exploser 17
bombes dans le Sahara algérien, 4 atmosphériques et 13 souterraines, avant de déménager son site
d'essais en Polynésie. Cinquante ans après la fin de la « guerre d'Algérie », le contentieux
« radioactif » continue d'empoisonner non seulement les relations entre la France et l'Algérie,
mais surtout le quotidien de nombreuses personnes des deux côtés de la rive méditerranéenne.
Alors que les pleins pouvoirs viennent d'être confiés au général Massu et à ses paras depuis
quelques mois, le 10 mai 1957, le résident général à Alger fait classer « terrain militaire » une zone
— qui n'a de désert que le nom — de 108 000 kilomètres carrés au sud-ouest de Reggane,
équivalent à 1/5e de la surface de l'Hexagone ! — afin d'y construire le centre d'expérimentation
pour les armes nucléaires. Première tâche : construire une base-vie pour accueillir 3 000
personnes en permanence en plus de 1 300 visiteurs. Les équipes du génie se mettent
immédiatement à l'ouvrage, recrutant également du personnel sur place, voire même jusqu'au
Niger voisin.
Quelques données, pour mesurer l'ampleur des travaux qui seront conduits, issues d'un rapport
établi par le ministère de la Défense en 1996 : au printemps 1960, l'ensemble des installations du
Centre saharien d'expérimentation militaire représente 82 000 mètres carrés de bâtiments de
toutes natures, 7 000 mètres carrés d'ouvrages souterrains, 100 kilomètres de routes, une
production d'eau de 1 200 mètres cubes par jour, 3 centrales électriques, plus de 200 kilomètres
de câbles et canalisations enterrées, 7 000 mètres cubes de béton armé, une piste d'aviation, des
terrains de sports et même une piscine olympique pour le personnel. Le coût total des travaux
n'est pas précisé, mais à cette époque l'argent pour la bombe n'est pas un problème !
En plus de ces installations gigantesques de Reggane-Plateau, il ne faut pas oublier le « Centre
interarmées d'essais d'engins spéciaux » créé dès les années 1947 à Colomb-Béchar et à
Hammagir afin de tester les futurs missiles indispensables à la force de frappe.
De même, d'autres installations seront construites au pied du Tan Affela, à In Eker, pour les
essais souterrains qui sont, en fait, réalisés à flanc de montagne où des galeries de plusieurs
kilomètres ont été creusées et qui aujourd'hui renferment des matières fortement radioactives
pour de nombreuses années encore.
Accords secrets
En 1960, quand s'ouvrent les négociations entre le gouvernement français et le FLN (Front de
libération nationale), le général de Gaulle est prêt à « lâcher » la zone côtière du nord de l'Algérie,
mais veut garder le Sahara. Le FLN refuse la partition du territoire. Face au blocage des
négociations et à sa volonté d'en finir avec ce conflit qui ruine le crédit de la France sur la scène
internationale et qui « pourrit » la situation intérieure avec le risque de guerre civile suite à la
création de l'OAS, le général de Gaulle est obligé de « lâcher » du lest. Les négociateurs français
souhaitaient un délai de 10 ans, finalement ils en obtiendront cinq. Cet arrangement fera partie de
clauses secrètes annexées aux « Accords d'Évian ». Les délais seront respectés pour la partie
« nucléaire », puisque le 16 février 1966 explose la dernière bombe française sur le territoire
algérien et que les « clés » de Reggane seront remises aux Algériens en juin 1967, avant que les
Polynésiens ne subissent à leur tour, et jusqu'en 1996, les méfaits de la bombe.
Le site de Colomb-Béchar — où ont eu lieu des essais pour les missiles et les armes chimiques —
ne sera rendu à l'Algérie qu'en 1978. La plus grande opacité règne toujours sur cet endroit. Il
serait important que quelques chercheurs ou journalistes puissent aller mener une enquête dans
cette zone encore occultée.
Au final, cinq explosions nucléaires auront lieu alors que la guerre fait rage et douze autres tirs
nucléaires dans une Algérie devenue indépendante. Il faut également ajouter 35 « tirs froids »
entre 1961 et 1963, c'est-à-dire des expériences explosives en puits avec des « boulettes » de
plutonium. C'est l'équivalent de plusieurs dizaines de fois la puissance de la bombe d'Hiroshima
qui ont ainsi explosé dans le Sahara, provoquant de nombreuses retombées d'éléments radioactifs
qui ont contaminé toute cette région de manière durable.
Démantèlements bâclés
Au moment de son départ, plutôt que de tout déménager et nettoyer les lieux, l'armée française
creusera de grands trous pour y enfouir qui des voitures, qui des avions et autres matériels dont
une partie largement contaminée. Aucune décontamination ne sera effectuée des zones les plus
touchées, ni aucune information donnée aux populations…
Dans un rapport classé « confidentiel défense » — rédigé en 1996, et dévoilé dans un dossier
spécial de Damoclès et dans la BD Au nom de la bombe en février 2010 — les militaires écrivent
benoîtement : « Il n'a été retrouvé aucune synthèse et aucun compte-rendu donnant l'état radiologique dans
lesquels les champs de tir ont été restitués à l'autorité algérienne. »
« Bien sûr, — comme le souligne Bruno Barrillot dans le n° 128-129 de Damoclès analysant ce
rapport — on y découvre quelques faits jusque-là passés sous silence. Ainsi, la France a lancé des hommes, à
pied, sans protection, sous le feu de Gerboise verte. […] Ainsi encore, sur treize essais souterrains à In Eker,
douze n’ont pas été “contenus” : de 1961 à 1966, les personnels civils et militaires et les populations nomades de
cette région ont respiré parfois pendant des jours entiers un air contaminé. Ainsi, les expériences dites
“complémentaires” de Reggane et de la région d’In Eker ont disséminé des particules mortelles de plutonium sur
des centaines d’hectares. Le voile se lève un peu plus sur l’incurie, sur les atteintes à l’intégrité physique des êtres
humains, sur le mépris du principe de précaution dont sont responsables les autorités qui décidèrent la réalisation de
ces essais. Mais on est encore loin de “l’entière vérité” […]. »
Une vérité qui fait peur puisqu'en 2007, alors que les archives de cette période allaient devenir
accessible, le gouvernement français a fait modifier la loi, frappant « d'incommunicabilité absolue les
documents relatifs aux armes de destruction massive », donc tout ce qui concerne les essais nucléaires.
Cinquante ans après, d'important taux de radioactivité peuvent toujours être relevés dans les
zones d'essais, notamment là où il y a eu de graves accidents, comme par exemple lors du tir Béryl
. En février 2007 — lors d'une visite du site d'In eker, organisée par le
gouvernement algérien à l'occasion de la tenue à Alger d'un premier colloque international sur les
essais nucléaires dans le Sahara —, des scientifiques ont pu relever des taux de 77 à 100
microsieverts. C'est-à-dire qu'en restant 12 heures sur place, on absorberait la dose maximale
admissible pour une année !
Il y a 50 ans : les irradiés de Béryl
Le 1er mai 1962, le tir nucléaire Béryl, censé expérimenter la première bombe pour les Mirage IV de la
dissuasion nucléaire de la France, faisait éclater la montagne du Hoggar saharien à In Eker sous les yeux effarés
de plusieurs centaines de militaires et civils — dont les deux ministres français Pierre Messmer et Gaston
Palewski — qui, pour certains, vivent aujourd’hui encore dans leur chairs les conséquences de cet accident.
La panique incroyable qui suivit ce fiasco des experts du CEA (Commissariat à l’énergieatomique) chargés de la
mise au point des bombes se résume en quelques chiffres : le jour même, 900 militaires et civils durent être
décontaminés et, comme ces mesures avaient été inefficaces, il fallut encore en décontaminer 775 dans les 8
jours qui suivirent. Sans compter les dizaines de militaires qui furent expédiés à l’hôpital militaire Percy, en
région parisienne, pour des mois de soins intensifs, dans le plus grand secret, avec, pour plusieurs d’entre eux, la
mort à la clé.
Cela n’a pas été le seul accident — selon des faits rapportés par de nombreux témoins depuis plusieurs années
— qui a parsemé le programme qui, de 1960 à 1996, a conduit la France à faire exploser 210 bombes nucléaires,
dont certaines représentaient plusieurs dizaines de fois la puissance de celle qui a explosée au-dessus
d’Hiroshima le 6 août 1945
Des interrogations légitimes
Tout est parti d’une « alerte citoyenne » : dans les années 1990, des médecins faisant le constat du
développement de maladies jusqu’alors peu connues sur les atolls du Pacifique, recueillent des
témoignages et rédigent un rapport publié par Greenpeace en Nouvelle-Zélande. Ce document
est traduit et co-publié par l’Observatoire des armements et Greenpeace-France, après un séjour
de deux mois en Polynésie de Bruno Barrillot pour vérifier les informations et recueillir de
nouveaux témoignages.
De son côté, Solange Fernex, députée européenne écologiste, est allée recueillir en juin 1992
plusieurs témoignages auprès d'anciens du Hoggar ayant travaillé sur le site. Ils révèlent la cohorte
des faits désormais bien connus : maladies, morts, stérilité, mort du bétail, etc.
L'un d'entre eux explique : « J'en connais beaucoup qui ne vivent plus. La plupart sont jeunes. Je ne peux pas
te dire de quoi ils sont morts. J'en connais aussi beaucoup qui sont malades. […] Je connais beaucoup d'hommes
au Hoggar qui ont travaillé avec les militaires et n'ont pu avoir d'enfants. […] »
Un second précise : « On ne nous faisait pas porter de badge. […] On n'a jamais passé de visite médicale, ni
avant, ni après. On a jamais vu un médecin, sauf un infirmier si quelqu'un était blessé. Il y avait beaucoup de
blessés, même des morts. Des accidents du travail. Il y avait beaucoup de médecins français, mais on ne les voyait
jamais. »
Un autre se « souvient d'une manifestation en 1964 des habitants de Tamanrasset [la ville la plus proche du site
d'essai], pour réclamer l'arrêt des essais ». Il précise « qu'il y avait des trafiquants qui récupéraient le cuivre
après l'explosion de la bombe ».
À la suite de quoi, la députée européenne demande en 1993 à ce qu'une « étude épidémiologique et
radio-écologique pluridisciplinaire de longue durée » soit réalisée « par des experts indépendants du CEA et de
l'armée », préalable indispensable afin que la France puisse ensuite procéder aux réparations qui
s'imposent. Vingt ans plus tard, nous en sommes toujours au même point.
Certes, une manifestation d'étudiants à Alger contre la poursuite des essais français a bien eu lieu
dans les toutes premières années de l'indépendance, mais il faudra attendre la fin des années 2000
pour que des interrogations commencent à se manifester en Algérie. Une première « Association
algérienne des victimes d'essais nucléaires français au Sahara » a vu le jour au début des années
2000, à l'initiative de M. Mohamed Bendjebbar, ancien officier algérien et « liquidateur » du site de
Reggane, mais sans obtenir d'agrément officiel de la part de l'État. De même face aux problèmes
de santé rencontrés par la population de Reggane — et notamment un nombre anormal d'enfants
handicapés — des actions sont conduites localement dans le sud algérien et des alertes sont
adressées au gouvernement algérien.
En 2007, le gouvernement algérien pose le problème des conséquences des essais de manière
officielle et publique avec l'organisation d'un premier colloque international. Un second aura lieu
en 2010. L'occasion également d'amener des scientifiques, des journalistes, visiter le site d'In
Eker. Des cinéastes seront également du voyage et réaliseront plusieurs films et documentaires.
Aussi, en décembre 2007 — face à la montée de l'inquiétude sanitaire et environnementale,
relayée par les médias des deux côtés de la Méditerranée —, est annoncé, lors de la visite de
Nicolas Sarkozy à Alger, la mise en place d'une commission mixte d'experts franco-algériens
chargée d'établir un état des lieux et de faire des propositions pour la réhabilitation des sites
d'essais nucléaires. Fin 2012, face à l'absence de volonté politique, en France comme en Algérie,
de prendre concrètement en charge ce problème, le rapport de cette commission n'a toujours pas
été publié.
Victimes des essais : une reconnaissance encore à venir
En France un travail de recueil de témoignages s'opère également auprès de tous ceux, appelés,
engagés ou personnels civils qui ont participé à cette entreprise. Un travail d'alerte auprès des
médias est effectué, qui, voyant que cela ne touche pas que des habitants de l’autre bout du
monde, mais également des personnes de métropole, commencent à s’intéresser au suje. Les
responsables politiques et en premier lieu les parlementaires, sont à leur tour interpellés. Des
actions en justice sont engagées, tout en ayant conscience que la loi telle qu’elle existe,
principalement pour les militaires (Code des pensions), ne permet pas la mise en place d’une
indemnisation ni d’une reconnaissance des victimes. C’est pourquoi l’accent est alors mis sur le
travail de sensibilisation des parlementaires.
Suite à l’organisation d’un colloque à l’Assemblée nationale, le 17 janvier 2002, deux députées —
Marie-Hélène Aubert (Verts) et Michèle Rivasi (apparentée au groupe socialiste) — déposaient
une première proposition de loi. Il aura fallu six ans — et 17 autres propositions émanant de tout
l’arc politique parlementaire français, des écologistes à la droite (UMP) en passant par les
communistes et les socialistes —, pour que le gouvernement accepte qu’une loi soit adoptée. Et
encore, parce qu’à l’initiative des associations, un « comité de soutien » regroupant victimes,
scientifiques, journalistes et parlementaires des différentes sensibilités politiques est mis en place.
En son sein est élaborée une proposition de loi commune aux différents partis politiques. La
députée Christiane Taubira s’en empare et « impose » aux socialistes d’utiliser une de leur niche
parlementaire pour la soumettre au débat et au vote de l’Assemblée nationale.
Le gouvernement d'alors se trouve en quelque sorte coincé. Plutôt que de tenter des
amendements à la proposition de loi, il s’engage à présenter un projet de loi et demande aux
députés de la majorité, y compris ceux qui avaient participé à la proposition commune, de
soutenir l’initiative gouvernementale.
Suite au déroulement de la procédure législative, durant laquelle nous sentions se dessiner le piège
d’une limitation des droits pour les victimes, la loi « Morin » relative à la reconnaissance et à
l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est adoptée et publiée au Journal officiel
le 5 janvier 2010. Et c’est au moment de la publication du premier décret d’application en mai
2010, que nous avons pris toute la mesure du verrouillage mis en place par le ministère de la
Défense à qui, de fait, entière latitude et tout pouvoir sont donnés pour décider qui « mérite » ou
non d’être bénéficiaire d’une indemnisation…
En effet, quelques mots, glissés dans l’article 4 de la loi Morin, permettront un détournement du
vote des parlementaires qui refusaient qu’une notion de seuil admissible figure dans la loi :
« L’intéressé bénéficie d’une présomption de causalité à moins qu’au regard de la nature de la maladie et des
conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ».
Pour mesurer si l’exposition peut être considérée « comme négligeable », et donc procéder à l’examen
au cas par cas de chaque dossier de victime, le ministère de la Défense a mis en place le Comité
d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, dont les membres ont été choisis
en toute discrétion… Selon les derniers chiffres officiels dont nous disposons, à la date du 15
février 2012, sur les 684 dossiers enregistrés par le secrétariat du CIVEN, chargé de faire le tri,
seules 5 indemnisations ont été accordées par le ministre de la Défense et 412 dossiers ont déjà
fait l’objet d’un rejet ministériel, avec pour motif essentiel, que la « probalité de causalité » entre
l’exposition aux radiations et la maladie de la victime est « inférieure à 1 % ».
À signaler que sur les 684 dossiers reçus par le CIVEN — devant la méconnaissance du
mécanisme d'indemnisation et les difficultés administratives pour réunir toutes les pièces
nécessaires — seuls 19 demandes proviennent de la population algérienne et 18 de la population
polynésienne.
Suite aux diverses réclamations des associations de victimes, un des derniers décrets publiés sous
la présidence de Nicolas Sarkozy — 3 jours avant qu’il ne soit battu par François Hollande —
concerne les victimes des essais nucléaires. Il élargit, a minima, la liste des maladies reconnues
comme radio-induites et les zones géographiques concernées par les retombées en Polynésie
française1. « Un nouveau décret attrape nigauds », comme l’a qualifié l’association regroupant les
victimes polynésiennes, Moruroa e tatou. Car, dans la mesure où ni le dispositif mis en place, ni
la méthodologie utilisée ne sont remis en cause, la loi d’indemnisation des victimes des essais
nucléaires français garde cette surprenante particularité de n’indemniser personne, ou si peu.
Pourquoi une telle omerta ?
S’agit-il encore de couvrir quelques anciens dirigeants, politiques, civils ou militaires, qui portent
la responsabilité d’avoir exposé sciemment aux risques de contamination radioactive leurs
personnels et les populations vivant dans l’environnement des zones d’essais au Sahara et en
Polynésie ? S’agit-il de défendre des institutions — CEA, Service de protection radiologique des
armées, Service historique de la défense… — qui aujourd’hui encore gardent la maîtrise de
l’information et des archives des essais nucléaires ?
La « raison d’État » qui a présidé au développement de l’arsenal nucléaire français — depuis la
création du CEA par le général de Gaulle en 1945 jusqu’à la loi sur les archives de 2008 créant
une catégorie de documents « secret défense » incommunicables regroupant tous ceux
concernant les essais nucléaires — justifie-t-elle qu’on nie des évidences admises et connues
depuis des décennies et qu’on traite avec tant de mépris les victimes des essais nucléaires ?
En fait, pour le ministère de la Défense — et plus largement pour les autorités françaises et le
lobby nucléaire —, cette loi « Morin » présentait le risque d’ouvrir une brèche quant à la question
des faibles doses et des conséquences de l’utilisation du nucléaire au niveau sanitaire,
environnemental, que ce soit autour des centrales, des laboratoires de recherche ou des lieux de
stockage des déchets, voire des mines d'uranium. Ce n’est pas tant une question du coût des
indemnités, comme cela a pu être avancé, que la crainte d’une dé-légitimation du nucléaire dans
l’opinion publique compte tenu des risques que celui-ci représente. La crainte également que les
travailleurs du nucléaire — et particulièrement les nombreux intérimaires utilisés par la sous-
1 Décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 modifiant le décret n° 2012-653 du 11 juin 2010 pris en application de la
loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, publié au Journal
officiel de la République française du 3 mai 2012.
traitance — s'emparent de cette loi pour réclamer reconnaissance et indemnisation face aux
problèmes de santé qu'ils rencontrent. Davantage, qu'en cas d'accident nucléaire en France, les
montants de l’indemnisation accordés aux victimes des essais nucléaires, servent de barème aux
populations touchées.
Rouvrir le débat parlementaire…
La loi « Morin » ne prend en compte que les questions sanitaires et ne comporte aucune mesure
relative aux dégâts environnementaux et leurs risques à venir… « Vous n’avez qu’à recommencer à vous
mobiliser pour faire voter une nouvelle loi », avait d’ailleurs dit en substance, Hervé Morin, le ministre de
la Défense!
C’est pourquoi le sénateur polynésien Richard Tuheiava — en réponse aux demandes des
associations — a déposé, avec le soutien du groupe socialiste, une nouvelle proposition adoptée
par le Sénat le 18 janvier 2012. Cette loi sur les conséquences environnementales devra être
débattue par la nouvelle Assemblée nationale et adoptée afin de permettre une nouvelle avancée
dans la prise en compte des conséquences des essais nucléaires français.
Compte tenu de l’échec de la loi Morin, cela devrait être également l’occasion pour la majorité
socialiste, de supprimer par voie d’amendement les différentes restrictions en vigueur pour que
toutes les victimes — vétérans comme populations, métropolitains comme Polynésiens ou
Algériens — puissent bénéficier d’une véritable reconnaissance et d’une indemnisation à hauteur
des préjudices subis.
Par ailleurs, en prévision de la visite de François Hollande en Algérie avant la fin de l'année 2012,
selon une information publiée par le quotidien algérien El Watan, « instruction a été donnée aux
services concernés du ministère des Affaires étrangères, par Laurent Fabius, pour que les dossiers bilatéraux
soient instruits au cours des mois de septembre et octobre ». N'est-ce pas là l'occasion de tout mettre en
œuvre pour régler le « contentieux radioactif » entre la France et l'Algérie et procéder aux
réparations nécessaires ?
Ouvrages
Essais nucléaires français : l'héritage empoisonné, Bruno Barrillot, Observatoire des armements, 2012,
320 pages.
Victimes des essais nucléaires : histoire d'un combat, Bruno Barrillot, préface de Christiane Taubira,
Observatoire des armements, 2010, 200 pages.
Les vétérans des essais nucléaires français au Sahara, 1960-1966, Christine Chanton, L'Harmattan, 2006,
200 pages.
Au nom de la bombe, Albert Drandov et Franckie Alarcon, Delcourt, 2010.
« Sortir du mensonge. Quelques vérités nouvelles sur les essais français au Sahara », Dossier
spécial de Damoclès, n° 128-129 / 3 & 4-2009, 16 pages.
Films
L'Algérie, De Gaulle et la bombe, Larbi Benchiha, Aligal Production, 2010, 52 mn.
Vent de sable, le Sahara des essais nucléaires, Larbi Benchiha, 24 images Production 2008, 57 mn.
Gerboise bleue, Djamel Ouahab, 2009.
Sites
www.moruroa.org, le site-mémorial le plus complet sur les essais français.
www.moruoaetatou.com, le site de l'association polynésienne
www.aven.org, le site de l'association des vétérans des es
Dynamiques Internationales ISSN 2105-2646
Patrice Bouveret
Numéro 7 octobre 2012